Les Gilets Jaunes et l’association du Creusot du Mouvement national des chômeurs précaires se sont associés pour organiser une rencontre / débat à destination de tous les citoyens. La soirée s’est déroulée samedi dernier au foyer Mouillelongue et a rassemblé un peu plus de 70 personnes. Une très belle soirée racontée par Pascal Guillemoz, président du MNCP 71.
Donner la parole libre aux citoyens, c’était le but de cette soirée conjointement orchestrée par le MNCP71 et les Gilets Jaunes locaux. Mission accomplie avec une grande satisfaction, puisque ce débat a réuni autant, voir plus de participants, que celui organisé, dans cette même salle par des sympathisants de la République en Marche du Creusot, il y a quelques jours. Pas de cadre obligé ou de table de travail sur des sujets imposés. Le MNCP71, rappelons-le, est un mouvement citoyen, apolitique et libre, à l’image de la fédération nationale que l’association représente en Saône et Loire et qui est basée au Creusot. C’est donc au nom de cette liberté, que les organisateurs ont souhaité proposer, liberté d’expression, échange sans tabou, dans une ambiance conviviale, pacifique et fraternelle. Notons que ces valeurs sont celles portées majoritairement par le mouvement des G J, contrairement à ce que certains voudraient faire croire !
Donner la parole aux citoyens
Cette soirée a été ponctuée par la présentation de trois documents montages vidéo, non pas dans le but d’orienter les débats, mais celui de poser des constats sur les problèmes de notre époque. En premier lieu, c’est la Lettre au Général X qui a été présentée. Cette lettre est une alerte qu’Antoine de Saint Exupéry, papa du Petit Prince, nous a laissé en héritage, un an avant sa disparition en mission de reconnaissance aérienne, le 31 juillet 1944. Dans cette lettre, l’écrivain pilote, héros de l’aéropostale, dénonce la société consumériste de notre époque, un monde de robots, disait-il. Visionnaire, Antoine alertait des dangers d’une fuite en avant vers une société où la finance prendra le pas sur l’humain. Prémonitoire, il nous parlait déjà d’écologie en dénonçant une gestion cartésienne de notre société, au détriment des sciences de la nature. Il avait raison sur toute la ligne, ses craintes hélas sont devenues une réalité à l’époque où nous vivons. Cette première présentation s’est terminée sur les applaudissements des personnes présentes. De quoi rassurer les co-organisateurs sur la pertinence d’avoir fait le choix commun de ce texte.
Modes d’organisation sociétale, justice sociale, justice fiscale, en particulier sur la TVA, notre constitution, la représentativité du peuple (la démocratie participative RIC), un changement de République avec une nouvelle constitution viable et réellement démocratique, sont autant de sujets abordés, la liste n’en est pas exhaustive, tout cela fera l’objet d’un travail de restitution collectif, transmis au Préfet, à notre Maire, ainsi qu’à notre Député, qui devrait, si notre République était une démocratie idéale ? proposer et défendre les attentes légitimes des citoyens, mais hélas nous savons que cet idéal n’est pas encore devenu une réalité.
La deuxième présentation de la soirée était l’appel des résistants, rédigé le 15 mars 2004 et cosigné par des grands noms de la résistance et du CNR. aujourd’hui, pour la plupart disparus : Raymond Aubrac, Henri Bartoli, Daniel Cordier, Philippe Dechartre, Georges Guingouin, Stéphane Hessel, Maurice Kriegel-Valrimont, Lise London, Georges Séguy, Germaine Tillion, Jean-Pierre Vernant, Maurice Voutey.
Ces glorieux anciens, dans ce message hélas souvent censuré, nous transmettaient en héritage la flamme de la résistance, celle qui combat l’injustice sociale, le racisme, l’intolérance, l’hégémonie de la finance, la liberté de la presse, etc. Ils nous appelaient à une véritable insurrection pacifiste, pour défendre les acquis sociaux, que leurs sacrifices et leurs combats nous ont offerts à nous, les générations suivantes. Au vu des applaudissements qui ont clôturé cette évocation, nul doute que cet appel a touché les cœurs. Il n’est même probablement pas prétentieux, de penser que ceux qui portent aujourd’hui un gilet jaune, se sont sentis confortés dans leurs volontés à prendre pacifiquement la suite de ces héros et à défendre des acquis sociaux, qui contrairement à ce que disent ceux qui veulent les détruire au nom d’un libéralisme sauvage, sont très modernes, combien de citoyens d’autres continents ou même d’Européens, envient notre sécurité sociale ! Au titre de notre mouvement, nous revendiquons notre attachement à la sécurité sociale basée sur des cotisations, car elle nous appartient, à nous citoyens, elle est facteur d’égalité, de cohésion sociale, elle est moderne, nous ne pouvons accepter qu’elle soit soumise à la loi du marché ! Ceux qui rêvent de cela, rêvent de détruire ce qui fait la grandeur de notre pays, liberté, égalité et surtout fraternité.
Recontextualiser le débat dans l’histoire
Nous avons pu entendre dans la salle, des personnes dire « se sont nous, les nouveaux résistants » et des jeunes demander où ils pouvaient avoir accès à ce document pour le diffuser.
Le mot fraternité n’est pas resté qu’un simple mot dans le débat, certains ont déploré que ceux qui nous dirigent, n’aient de cesse de cliver et d’opposer les citoyens entre eux, ceux qui ne sont rien, les fainéants qui râlent au lieu de chercher du boulot, les retraités qui vivent sur le dos de ceux qui travaillent, etc. Toutes ces réflexions immondes qui tendent à diviser le peuple sont indignes ! Diriger des humains, c’est les unir dans un bel idéal commun ! Une personne a évoqué la stigmatisation des chômeurs, des pauvres et des exclus, en ajoutant qu’avec les milliards du CICE et de la fraude fiscale, c’est indécent de traiter ces gens-là d’assistés, qui sont les vrais assistés dans notre pays ? La personne intervenant à ce propos, a été chaleureusement applaudie par l’assemblée, de quoi nous réchauffer le cœur. Nous avons ajouté que les montants du CICE vont grossir les comptes de certains contribuables utilisant « l’optimisation fiscale » à l’étranger, (fraude fiscale), donc perdue pour la nation, alors que l’argent versé aux « assistés » il retourne dans la consommation, donc profite à l’économie de notre pays et dans l’impôt (TVA). Cette stigmatisation est indigne et là aussi l’assemblée l’a bien perçue.
Je n’oublierai pas ce monsieur d’âge mur, qui a évoqué la participation des FTP-MOI, à la libération de notre pays, donc de la création des acquis sociaux du CNR, cette main d’œuvre étrangère, (Africains, Magrébins, Européens) qui a fait les valeurs de notre nation, allant jusqu’à donner leurs vies pour notre liberté. Merci Monsieur, d’avoir évoqué leurs sacrifices, ils ne doivent pas être oubliés ; Ils sont un exemple contre le racisme et l’intolérance. Cette intervention a été émouvante et très forte, ils étaient tous frères unis dans un même idéal. A cet instant, je repense à mes visites dans le Vercors, en particulier à celle du cimetière de la résistance à Vassieux, où pour l’éternité reposent côte à côte des hommes. Sur leurs sépultures, on peut voir le croissant de lune, l’étoile de David, la croix, ou bien encore aucun signe religieux. Quels exemples de fraternité et la solidarité, voilà un beau message, ils sont morts ensemble pour que nous vivions libres, vivons donc ensemble avec ceux qui viennent d’ailleurs, nous sommes des humains, avant toute autre chose, citoyens du monde.
Les débats nous ont conduit à penser qu’il était légitime de lutter pour défendre les droits acquis, de les améliorer comme on consolide des fondations, pour construire pour nous tous et pour nos enfants, une société plus juste, plus solidaire !
Une chose importante a été soulignée lors de ce débat, c’est l’importance des femmes dans l’engagement citoyen. Notre société malgré des efforts, continue et demeure inégalitaire, elles remplissent des taches qui ne sont souvent pas considérées, voir méprisées, comme entre autres, les auxiliaires de vies, les EVS/AVS, les assistantes maternelles, etc. Toutes ces femmes qui remplissent des taches de l’ordre du service public ! Salaire, retraite, chômage, précarité, ils restent tant de chemins à parcourir ! Pourtant elles sont courageuses et ne baissent pas les bras, nous leurs devons, nous les hommes, respect et soutien.
Poussons le gouvernement à agir, afin que ces injustices soient vite corrigées, cela ne doit pas attendre. Nous entendons de beaux discours, de belles paroles, par contre sur le terrain nous constatons la lenteur des choses !
Toutes les interventions en ce sens ont été fortes, comme cette maman isolée avec son petit garçon dont le papa ne répond pas à ses obligations de versement de pension alimentaire, en organisant son insolvabilité. En la matière il existe pourtant des lois très strictes, mais les juges ne les appliquent que trop rarement. Une personne souligne que le Président, devant un parterre de femmes, a dit qui l’entendait changer les choses à ce propos, or avant de faire de nouvelles lois, il suffirait d’appliquer simplement de façon rigoureuse, celles qui existent ! Dans le même temps les médias annoncent, la volonté de l’exécutif de dépénaliser l’abandon de familles, c’est à ne rien y comprendre. Nous pensons que c’est anormal que ce soit la CAF qui se substitue à ces obligations de pensions, quand il s’agit d’une réelle volonté des pères de ne pas payer et qu’ils organisent leurs impécuniosités, ce n’est pas normal que ce soit la collectivité qui assume à la place des pères ! Hormis, bien sûr s’ils rencontrent de réelles difficultés. Cela responsabiliserait certains comportements injustifiables, se sont encore les femmes qui en sont victimes et par définition, les enfants !
Un moment de partage et de convivialité
A l’issue de cette deuxième partie du débat, nous avons décidé de faire une pause, les gilets jaunes et d’autres participants, spontanément avaient amenés des encas et même réalisés de merveilleuses bugnes (Beugnots). Ce moment de partage est bien dans la genèse des mouvements citoyens, partage, solidarité et convivialité.
Nous avons repris nos échanges par une intervention remarquée, concernant la défense des acquis sociaux dans la fonction publique, une personne a expliqué que ces avantages avaient été négociés pour compenser des salaires bas et des contraintes. Les jalouser ou souhaiter leurs abrogations est un non-sens, car non seulement ce serait pénalisant pour des salariés réalisant des missions publiques, mais aussi comment prétendre à des avancées sociales ou à la préservation de ceux du privé, si on ne soutient pas les agents qui défendent les leurs et qui par ailleurs, sont souvent au côté des salariés du privé dans les manifestations. Visiblement, à entendre les applaudissements, cette intervention a bien été reçue par le plus grand nombre de participants.
Impossible d’aborder tous les sujets traités et qui feront l’objet, très prochainement d’une rédaction, au risque d’être trop long dans ce compte rendu.
Chacun a donc pu s’exprimer, débattre, tous les avis étaient justes et pertinents. Ce débat a été très constructif, si ceux qui y ont participé collectivement le souhaitent, nous pourrons nous retrouver bientôt pour développer plus en profondeur chaque sujet abordé.
Nous avons terminé ce débat citoyen comme nous l’avons commencé, par Antoine de Saint Exupéry, avec un extrait du Petit Prince « le Businessman ». Ce passage du livre explique toute l’incohérence du système économique actuel. Nous avons rappelé que comme pour le businessman du Petit Prince, il est incompréhensible et humainement difficile d’accepter, que 1% d’humains possèdent plus que 50% de la richesse du monde, une telle concentration est indécente alors qu’au 21e siècle, des humains vivent encore dans la pauvreté ou bien meurent de faim ou de froid. Qu’y a-t-il de logique dans tout cela ? Comment ces 1% d’humains peuvent- ils vivre ainsi, sans aucun problème de conscience, alors qu’à l’autre bout du monde, des enfants sont exploités afin de grossir leurs richesses ! Nous pouvons légitimement reprendre les écrits de Saint Ex. ou allons-nous vers les temps les plus noirs du monde.
Nous pensons que si c’est de l’utopie de rêver et de s’engager pour un monde meilleur, alors vive l’utopie et vive la résistance !
Pour le MNCP71,
Son Président,
Pascal Guillemoz
Merci aux Gilets Jaunes, sans qui cette organisation n’aurait pas été possible et pour leurs contributions très pertinentes à ce débat.
Merci aux habitants qui sont venus enrichir les discussions et partager un grand moment de fraternité autour des valeurs de la démocratie.
Nous tenons également à remercier les concierges de la Maison des Associations Mouillelongue, pour leur dévouement et leur gentillesse, nous leur en sommes reconnaissants.