Le contrôle

C’est le chômage qu’il faut combattre, pas les chômeurs !

Ce dont les chômeurs ont besoin, c’est d’accompagnement et d’emploi, pas de menaces ni de sanctions

 

Préambule : un constat alarmant

Une fois de plus, c’est sans aucune concertation des intéressés et des organisations qui les représentent que l’on s’apprête à prendre des décisions qui n’ont aucun sens. Il y a un grand mépris dans ce pays des corps intermédiaires (associations, syndicats, …) avec lesquels l’Etat devrait travailler pour affiner et éclairer ses décisions.
Jamais les organisations de chômeurs et précaires n’ont été inscrites dans l’agenda des concertations. Et pourtant, la nouvelle loi qui se profile les concerne au premier chef. Le projet consisterait (entre autres) à renforcer les contrôles et radiations pour absence de recherche active d’emploi. C’est le contraire de ce qu’il faut faire. Voici pourquoi.

 

La confusion des genres

Avant 2008, il y avait :

  • Un organisme chargé de l’Indemnisation (UNEDIC-ASSEDIC),
  • Un organisme chargé de la récolte des offres et de l’accompagnement vers l’emploi (ANPE),
  • Un organisme chargé du contrôle (DDTEFP).

Depuis, tout cela a fusionné dans Pôle Emploi au détriment de l’accompagnement et de l’aide à la recherche d’emploi : les Demandeurs d’Emploi sont laissés à l’abandon, ne rencontrent plus leurs conseillers qui, eux- mêmes, sont surchargés par d’autres tâches. On dit aux chômeurs de se débrouiller seuls avec les nouveaux outils numériques. Les fonctions «contrôle» et paperasses administratives ont pris la première place et la peur s’installe.

Quand Pôle Emploi contrôle les chômeurs, Il y a deux sortes de contrôles :
  • Celui sur la fraude qui représente 0,5% des prestations versées. Sommes ridicules au regard par exemple de la fraude fiscale ou de la fraude des employeurs aux cotisations sociales.
  • Celui dont on a beaucoup parlé ces derniers temps sur la recherche active d’emploi. C’est celui-là que nous critiquons car il a servi à stigmatiser les demandeurs d’emploi
    • en assimilant le manque de recherche active d’emploi à de la fraude, alors que ça n’a rien à voir,
    • en faisant croire qu’il s’agit de repérer et remobiliser des découragés de la recherche (= du contrôle au lieu d’un meilleur accompagnement),
    • en mettant en pâture à l’opinion publique des chiffres faux : 14% de radiés suite à contrôle mais seulement 34% des contrôles sont issus d’un échantillon aléatoires : tout le reste est issu de signalements d’agents ou de requêtes ciblées (1).

(1) Et rappelons que près de la moitié de ces radiés n’étaient même pas indemnisés et ne gênaient personne. Le souci est donc uniquement statistique.

Combien de Chômeurs indemnisés :
Indemnisés Assurance Chômage (ARE) + indemnisés Etat (ASS), on arrive péniblement à 51%. Avec la montée du nombre de Chômeurs de Longue Durée, ce taux baisse d’année en année.

Quel chômeur serait assez imbécile pour refuser une offre raisonnable d’emploi quand ils sont des milliers à répondre à des offres déraisonnables (du genre plus de 30km à ses frais pour 1h30 de travail). Il faut arrêter de vouloir toujours placer le chômeur devant cette injonction de trouver du travail là où il n’en existe pas : c’est comme l’envoyer cueillir des fraises en plein hiver ; c’est vouloir le culpabiliser parce que nous refusons de prendre nos propres responsabilités (il faut bien trouver un coupable !)

 

Quand la peur s’installe

Le projet de loi veut renforcer ces contrôles sur la Recherche Active d’Emploi et sur l’Offre raisonnable d’Emploi (ORE) : augmentation du nombre de contrôleurs par diminution du nombre de conseillers accompagnement (de 215 à 600 dans un premier temps, puis à 1100), mise en place expérimentale de cahiers pour justifier de sa recherche d’emploi, suppression de postes à Pôle Emploi (la presse parle de – 4000 sur les 2 ou 3 ans à venir dont la plupart seront pris sur la fonction accompagnement). Et c’est là que, subrepticement, on s’aperçoit que les demandeurs d’emploi sont de plus en plus nombreux à ne pas vouloir s’inscrire à Pôle Emploi : trop de pressions, de stress, de difficultés administratives. Nous sommes déstabilisés. Le « A quoi sert Pôle Emploi ? » revient de plus en plus dans la bouche des chômeurs. Est-ce le but recherché ? En tout cas c’est dangereux et cela va à l’encontre d’un service public de l’emploi de qualité que nous défendons.

« Avant de me demander de prouver que je cherche bien du travail, faites-moi la preuve que ce travail existe. » Jean Luc

Les statistiques du chômage.

  • Il y a celles de l’INSEE, trimestrielles et basées sur les règles internationales du BIT : Demandeurs d’Emploi inscrits ou non à Pôle Emploi, en recherche et n’ayant pas travaillé (zéro heure) dans le mois précédent. On exclut donc les personnes n’ayant fait que quelques heures ou des petits boulots en attendant (il faut bien crouter …). Et cela donne un taux de chômage de 8,9%.
  • Il y a celles de Pôle Emploi, basées sur les inscrits à Pôle Emploi :
    • En catégorie A : inscrits disponibles n’ayant pas travaillé le mois précédent ;
    • En catégories B et C : en recherche mais ayant fait quelques petits boulot ou temps partiel le mois précédent.
    • total cat. A : 3,7 Millions de chômeurs (-0,9% sur un trimestre ; – 1,2% sur un an) ;
    • total cat. A+B+C : 5,93 M. (stable sur le trimestre ; +2,1% sur un an)

Ne sont pas comptés (ou dans d’autres catégories) les chômeurs dans des dispositifs (formation, contrats aidés, CSP, etc.). Pour les Chômeurs de longue durée (Congé Longue Durée, plus d’un an de chômage), ils sont 2,6 M. (+1,9% sur un trimestre, et + 6,5% sur un an).
Des créations d’emploi ? Baisse du chômage ? Un emploi pour tous ? Même avec 30000 chômeurs de moins comme au 1er trimestre 2018 en catégorie A, il faudra plus d’une génération pour retrouver le plein emploi. Et ça fait déjà 50 ans qu’on observe les statistiques et que l’on nous promet le bout du tunnel …
Et rappelons que pour les 6 millions de chômeurs, il n’y a en face que maximum 600000 offres (10%). Combien de personnes ne trouveront jamais un emploi, seront toujours derrière ? prendront claque sur claque (trop vieux – trop jeunes – sans expérience – au chômage depuis trop longtemps- …) parce que toujours quelqu’un vous passera devant, parce que vous n’êtes pas le meilleur et le mouton à 5 pattes d’employeurs toujours plus exigeants ? (à priori 90%)

Alors, quel est le problème ?
Le problème ce n’est pas les statistiques et la courbe du chômage ; Le problème auquel il faut d’abord s’attaquer, c’est la situation des personnes sans emploi et comment on les traite.

 

Alors quelles priorités ?

Redéfinir les missions et priorités de Pôle emploi pour un véritable service public de l’emploi.

Avec la disparition progressive de l’accompagnement derrière d’autres tâches administratives ou de contrôle et derrière le numérique, nous considérons que Pôle Emploi et le service public de l’emploi sont en danger. Il faut donc recréer une véritable politique de l’accompagnement social et professionnel, en présence humaine, librement choisi et contractualisé, laissant toute sa place à l’autonomie et au libre contrat entre l’accompagnateur et l’accompagné, et surtout sans sanction financière.
En fait, il s’agit de recréer un droit : le droit à l’accompagnement et au soutien.
L’accompagnement, le suivi, la collecte d’offres raisonnables et décentes, la mise en relation avec des offres adaptées, l’aide à l’insertion, ont été transformés progressivement en devoirs (contraintes à la personne sous peine de radiation), au lieu d’être considérés comme des droits offerts par la société et librement consentis, souhaités, choisis, par chaque personne qui souhaite s’engager dans une démarche. Il est urgent de redonner du libre choix et du libre arbitre aux individus.

Couper le lien entre Indemnisation et recherche d’emploi.

L’ARE, comme d’ailleurs toutes les autres prestations (ASS, RSA) doivent reposer sur des droits indépendants de la recherche d’emploi.
Avec ou sans travail, chacun(e) doit avoir accès à un revenu décent. Celui-ci peut être acquis après une période d’emploi (ARE) ou soumis à des conditions de revenu (RSA), mais un droit acquis reste acquis et ne doit pas être soumis à d’autres conditions.
Il convient donc :

  • D’interdire les sanctions pécuniaires (de même qu’elles sont interdites sur un contrat de travail, elles devraient être interdites lorsqu’il s’agit de l’ARE, de l’ASS ou du RSA)
  • De ne jamais couper une alloc ou une prestation sans s’être assuré au préalable qu’un autre organisme a pris la relève.
  • De relever les minimas sociaux (aller vers les 1000€ et les indexer sur le SMIC),
  • De s’orienter toujours et partout sur des droits à prestations (ou indemnisations) automatiques et des droits liés à la personne (et pas à la situation familiale).

Supprimer l’ORE, l’obligation de recherche active d’emploi et la totalité de l’article L5412-1 sur les radiations.

  • Réformer le contrôle afin de le réduire à ce qu’il doit être : la lutte contre la fraude (fausses déclarations – fraudes financières)
  • Créer un véritable droit de la défense pour les personnes concernées (comme demandé par le rapport Toubon de septembre 2017)
  • Pour recréer la confiance, supprimer l’article L5412-1 du code du travail.