Vingt-cinq organisations associatives et syndicales publient se réunissent collectivement pour dénoncer et briser la banalisation du chômage et de la précarité dans notre société. Une démarche collective inédite soutenue par le cinéaste anglais Ken Loach, qui a écrit la préface de ce livre.
Ce sont des chiffres auxquels nous nous sommes peu à peu habitués : 10 millions de personnes en situation de précarité, près de six millions inscrites à Pôle emploi, 9 millions en-dessous du seuil de pauvreté… Une situation sociale catastrophique qui s’est accompagnée, depuis près de quarante ans, d’un discours qui tend à rendre responsables de leur situation chômeurs et précaires. Ce sont ces idées reçues que le livre « Chômage, précarité : halte aux idées reçues » (1), né d’une initiative du Mouvement national des chômeurs et précaires, et qui paraîtra le 19 janvier 2017, entend déconstruire. Elles sont au nombre de vingt-six, au total. Des idées reçues que nous avons tous entendues un jour ou l’autre, et de plus en plus ces dernières années : « Le chômage, c’est la faute au droit du travail : trop de règles, trop de contraintes », « Le chômage c’est la faute aux étrangers », « Le système d’indemnisation est trop généreux » ou encore « Les jeunes ne veulent plus travailler ».
Autant de lieux communs erronés que propagent allégrement la droite, mais aussi certains à gauche. Or, depuis Antonio Gramsci, on sait que les idées jouent un rôle déterminant. Nicolas Sarkozy, thuriféraire de « la France qui se lève tôt », l’avait annoncé sans ambages, dans un discours prononcé à quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle de 2007 : « Au fond, j’ai fait mienne l’analyse de Gramsci : le pouvoir se gagne par les idées. C’est la première fois qu’un homme de droite assume cette bataille-là » . C’est pourquoi ce livre se veut aussi un moyen d’interpeller les candidats à la présidentielle, alors que « des vents mauvais soufflent », pour reprendre l’expression d’Annick Coupé, Secrétaire générale d’Attac, l’une des 25 associations sociales, politiques et syndicales, ayant participé à l’ouvrage (2).
Les divers mouvements réunis dans cet ouvrage, coordonné par Jean-François Yon, ex-président du MNCP, se sont donc fixé l’objectif de « mettre un coup d’arrêt à des opinions fausses, des idées préconçues, dont la pseudo-vérité ne tient que par le rabâchage dont elles sont l’objet ». Les 25 mouvements entendent aussi dénoncer les politiques publiques suivies jusqu’alors, qui préfèrent accorder des milliards d’euros aux entreprises, sans contrepartie -le CICE en est l’exemple récent le plus absurde- plutôt que d’augmenter le SMIC ou de financer le logement social. Lors de la conférence de presse organisée mardi 17 janvier à Paris, le président d’Emmaüs France rappelait « la nécessité de la colère et de l’indignation », tandis que Jean-Baptiste Eyraud, fondateur de l’association Droit au logement dénonçait pour sa part la cupidité, une valeur sociale assez forte », alors que « plus de 100 000 jugements d’expulsion sont rendus chaque année ». Florent Gueguen, directeur de la fédération des acteurs de la solidarité (FAS, ex-FNARS) évoquait, pour sa part, « les 25% de personnes hébergées en urgence qui sont des travailleurs pauvres ». Malika Zediri, de l’APEIS (Association pour l’emploi, l’information et la solidarité des chômeurs et travailleurs précaires), appelait pour sa part à « remettre les pieds sur terre » et à « renforcer les droits et la représentation des chômeurs et précaires ».
On ne s’étonnera pas de retrouver un Ken Loach très offensif, qui a apporté son soutien à l’initiative. Dans la préface qu’il a rédigée, le cinéaste, Palme d’Or à Cannes pour son film « I, Daniel Blake » rappelle que « pour nous [les Britanniques], le changement crucial est advenu en 1979, quand Margaret Thatcher et l’aile droite de son gouvernement se sont lancées dans un projet de réduction du pouvoir des syndicats ». Impossible de ne pas faire le parallèle avec le programme d’un François Fillon. Pas plus qu’on ne peut ignorer, qu’un Manuel Valls, pour ne citer que lui, s’est très tôt réclamé d’un « blairisme » à la française, lorsque Loach explique que, « en faisant passer les intérêts des patrons en premier, les dirigeants de gauche comme Tony Blair ont montré qu’ils n’avaient aucune réponse à apporter aux problèmes que rencontrait le peuple ».
Car ce livre se veut surtout un appel à l’action et « un manifeste d’espoir ». Pour Jean-François Yon, « il est impératif que les générations futures n’aient pas tout à reconstruire du fait de notre passivité ». Le livre « Chômage, précarité : halte aux idées reçues » est donc l’amorce d’une campagne active pour la défense des précaires et pour contrer un discours antisocial qui se banalise depuis plusieurs années. Des débats et réunions publiques (3), accompagnés ou non de la projection du film de Ken Loach, sont prévus partout en France pour présenter le livre, débattre et proposer. Avec en ligne de mire, une ambition : rappeler, comme Ken Loach à Cannes, « qu’un autre monde est possible et même nécessaire ».
Véronique Valentino pour l’Autre Quotidien
(1) « Chômage, précarité : halte aux idées reçues », disponible le jeudi 19 janvier aux éditions l’Atelier, peut être commandé dans toutes les librairies, en France, Suisse et Belgique.
(2) Les 25 associations partenaires et auteures du livre « Chômage, précarité : halte aux idées reçues » : AC !, ADIE, APEIS, APF, ATD-Quart Monde, ATTAC, CFE-CGC, CGT, CIP, CNIDFF, le mouvement Colibris, Collectif Roosevelt, Coorace, Crepi, DAL, Emmaüs France, FNARS, France terre d’asile, JOC, MNCP (et les Amis du MNCP-PARTAGE), Pacte civique, Secours catholique, SNU PE-FSU, Solidaires.
(3) Une trentaine de rencontres-débats sont déjà programmées à travers la France :
Montpellier, Toulouse, Perpignan, Strasbourg, Rennes, Vannes, Morlaix, Caen, Le Havre, Rouen, Angers, Cholet, Le Mans, Lille, Lens, Strasbourg, Haguenau, Colmar, Belfort, Saint Dizier, Mulhouse, Clermont Ferrand, Lyon, Blois, Nanterre Paris, Saint-Denis et Saint Joseph de La Réunion, Le Creusot, Villeneuve-sur-Lot.
Pour en savoir plus et connaître la liste des événements organisés près de chez vous, n’hésitez pas à consulter la page Facebook : https://www.facebook.com/ChomagePrecarite/?fref