Insertion sociale, développement de projets ou défense des droits, cela fait plus de trente ans que l’association Chom’Actif œuvre en faveur des personnes précaires et des demandeurs d’emploi. Multiforme et engagée, la structure s’est développée autour d’un fonctionnement social et solidaire s’inscrivant comme un levier majeur du monde associatif de notre ville. Directeur depuis 1999, Jean-Louis M’Pelingo, est revenu pour Médiacoop sur trente ans d’engagement.
[ Article publié le 24/04/19 dans Média coop ]
L’association a vu défiler plusieurs milliers de personnes depuis sa naissance. C’est dans ses locaux rue de Vertaizon que nous accueille le directeur qui nous accorde un peu de son temps entre deux rendez-vous. Nous devinons en effet que l’équipe associative a rarement le temps de se tourner les pouces au vu du flot continu de personnes qui poussent la porte du local. « Le nom vient de la contraction de chômeurs, précaires, actifs et solidaires » nous explique Jean-Louis, économiste de formation et directeur de l’association. La naissance de Chom’Actif en 1986 est liée à l’arrivée du chômage de masse en France. L’association s’est presque directement affiliée au MNCP (Mouvement National des Chômeurs et Précaires), structure regroupant plusieurs associations solidaires. Depuis, elle a tissé un réseau large et durable au fil de combats engagés et d’actions frappantes. En 1990 par exemple, les militants ont construit un « mur de l’indifférence » Place de Jaude, en référence au Mur de Berlin, pour symboliser le fossé entre les chômeurs et la population active.
L’insertion sociale est le fer de lance de Chom’Actif. Notamment à travers le travail qui doit être respecté en tant que droit. L’objectif est clair mais Chom’Actif a diversifié ses moyens pour l’atteindre et étendre ses champs d’action. « Le plus grand handicap des demandeurs d’emploi est l’absence de réseau. C’est pourquoi, Chom’Actif s’attache à chercher des solutions en dehors des institutions comme Pôle Emploi pour placer les chômeurs et les précaires à l’intérieur d’un réseau » nous explique Jean-Louis. Pour cela, différents ateliers ont été mis en place, notamment autour du code de la route, des langues étrangères ou du numérique. « Notre travail est aussi de combattre la stigmatisation perpétuelle envers les chômeurs et les associations qui les défendent. » Et ce combat pour l’emploi se joue autour d’un fonctionnement social et solidaire : « Nous créons des emplois qui répondent à des critères tels que la solidarité, le développement durable, l’écologie ; des emplois viables où c’est l’humain qui est toujours au cœur ».
Pour Chom’Actif, la défense des demandeurs d’emploi est indissociable de la défense des droits : « Nous défendons les droits humains car le chômage est directement lié à la privation des droits » explique Jean-Louis. L’association n’hésite pas à s’engager de manière frontale comme en 2015 lors de la dénonciation de clauses abusives dans la convention de l’assurance chômage. L’association avait fait trancher le Conseil d’Etat en sa faveur. Jean-Louis dissimule difficilement sa fierté lorsqu’il nous raconte l’histoire des « tickets rouges » : durant l’hiver 1997-1998, les adhérents et militants ont occupé la Place de Jaude pour faire changer la couleur des tickets de bus réservés aux chômeurs, certes moins chers mais totalement discriminants de par leur couleur rouge qui catégorisait les chômeurs aux yeux de tous.
Si Chom’Actif se bat en faveur des précaires, elle participe aussi fortement à la création et au développement d’initiatives et de projets. Jean-Louis nous parle notamment de Biau Jardin, société coopérative qui participe à l’insertion professionnelle en embauchant dans la culture de légumes qui sont ensuite revendus aux adhérents. Chom’Actif est aussi à l’origine d’un restaurant solidaire ou de la Cigales des Dômes, structure regroupant des investisseurs qui épargnent de manière collective et solidaire offrant ainsi une alternative aux épargnes standards. Et lorsque Chom’Actif ne crée pas, l’association n’hésite pas à prêter main forte à d’autres projets comme La Doume(monnaie Locale) ou la Coop des Dômes, magasin participatif.
Nous l’avons compris, Chom’Actif est sur tous les fronts. Six salariés se relaient, aidés d’un volontaire en service civique pour assurer la cadence. Jean-Louis nous explique que les bénévoles sont également une aide précieuse. Ils sont actuellement plus d’une trentaine à donner de leur temps pour l’association et c’est d’ailleurs sous cette forme que les actifs viennent aider les demandeurs d’emploi à fabriquer des CV ou à se préparer à des entretiens. « Chom’Actif est une association à gouvernance bénévole, elle est donc participative par essence. Les partenariats aussi permettent de garder l’association en vie. Les subventions publiques représentent la moitié de notre budget ». L’association est à la fois soutenue par des organismes publics (Clermont-Auvergne-Métropole, l’Union Européenne, la Caisse d’Allocations Familiales), des organismes privés (AG2R, Kéolis) et des associations (Alternatiba, LDH, DAL).
Avant de nous quitter, Jean-Louis nous confie que son association a intensifié ses efforts depuis le mois de décembre lorsque l’Etat a raffermi son contrôle sur les chômeurs. « C’est aberrant ! Nous ne sommes pas dans un pays qui connait le plein emploi, les demandeurs d’emplois ne sont pas des chômeurs volontaires. Et puis, si on parlait plutôt de tous ces patrons et chefs d’entreprises qui trichent plutôt que de traquer les chômeurs ? » nous interpelle-t-il.
Chom’Actif est une structure enracinée dans la vie associative de Clermont-Ferrand. Entre défense des droits, réinsertion et développement de projets, l’association représente un acteur majeur du lien social de notre ville. Mais bien que Chom’Actif existe depuis plus trente ans, l’engagement semble plus que jamais nécessaire. Les bénévoles sont le cœur de cette structure et permettent de tendre la main à un public qui risque de s’élargir encore après les déclarations imminentes d’Emanuel Macron sur un possible allongement du temps de travail. Jean-Louis dénonce d’ailleurs le fait qu’aucune déclaration du Président ne concerne les chômeurs. Il nous confie que la vision de Chom’Actif est même totalement l’opposé de celle d’Emanuel Macron plaidant plutôt pour un partage du temps de travail. Le directeur conclue d’ailleurs en nous rappelant la devise de l’association : « Temps, travail, argent, changeons les règles ! ».
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