A l’initiative de la CGT et de son comité national des travailleurs privés d’emploi et précaires, cette tribune a été signée par des syndicats, associations de chômeurs, des responsables politiques et des intellectuels.
Tribune publiée dans le journal L’Humanité
Par décret, la ministre du Travail vient de concéder quelques droits provisoires concernant le calcul des allocations chômage. Si cette annonce confirme que les travailleurs privés d’emploi et précaires sont les premières victimes de l’impact du Covid-19 sur l’économie, le gouvernement veut maintenir coûte que coûte au 1er septembre le second volet de sa réforme de l’assurance-chômage, qui doit réduire de 30 à 75 % les allocations de 650 000 chômeurs, selon le chiffrage de l’Unedic.
Pourtant, l’urgence sociale est là : des centaines de milliers de travailleuses et de travailleurs de tous secteurs d’activités (contractuel-le-s, intérimaires, saisonniers, intermittent-e-s) dont les contrats devaient débuter, se terminent ou devaient être renouvelés se retrouvent privés d’emploi. Pire, c’est la double peine pour les privés d’emploi qui subissent la baisse ou la perte de leur allocation chômage depuis le durcissement des règles du 1er novembre 2019, formant le premier volet de la réforme, avec la fin de fait du rechargement ainsi que l’introduction d’une dégressivité pour les cadres (suspendue).
L’impact est brutal dès aujourd’hui mais aussi pour les mois à venir : non seulement les conséquences économiques sur la situation de l’emploi (et donc sur la recherche d’emploi) ne cesseront pas avec le déconfinement, mais le nombre de chômeurs ne saurait qu’augmenter encore si le gouvernement impose une augmentation scandaleuse du temps de travail jusqu’à 60 heures par semaine.
Tout au contraire, on pourrait par exemple libérer de très nombreux emplois en partageant le travail : grâce à une nouvelle réduction à 32h du temps de travail réel pour tous et au retour à la retraite à 60 ans, en répondant aux aspirations des salariés à de meilleures conditions de vie et de travail et à plus de temps libre.
La garantie d’un réel droit au travail – sans aucune discrimination à l’embauche – est un levier à conquérir pour répondre aux nombreux besoins sociaux encore non satisfaits et dont cette crise a rappelé l’urgence. Ce droit au travail ne peut s’entendre sans un droit à l’indemnisation pour l’ensemble des travailleurs-ses privés-es d’emploi ou précaires, qui restent aujourd’hui près de 20% seulement (toutes catégories confondues de personnes souhaitant travailler) à ouvrir des droits à l’allocation chômage, malgré leurs cotisations.
L’histoire sociale de notre pays nous rappelle que le chômage était pourtant faible quand l’indemnisation était très haute, invalidant par les faits l’idée fumeuse d’un « maintien volontaire au chômage » tant vantée par le Medef et le gouvernement. Indemniser 100% des privé-e-s d’emploi reste donc non seulement une mesure de justice sociale mais aussi une mesure efficace pour soutenir un retour à un emploi digne, durable et librement choisi plutôt qu’au développement du recours au chômage et à une précarité de masse par le patronat.
Nous ne voulons pas que les chômeurs se voient infliger la double peine de se retrouver privés d’emploi et de droits sociaux : nous enjoignons le gouvernement à garantir le droit des chômeurs-ses à retrouver un emploi stable, et dans l’attente, à assurer la continuité de leur revenu avec le gel du décompte des jours d’indemnisation chômage versés depuis le 1er mars et l’arrêt des radiations et du contrôle de la recherche d’emploi.
Face au risque de nouvelles crises sanitaires, économiques, écologiques et à leurs conséquences sur l’emploi et parce que le chômage est un immense fléau, il y a urgence à sécuriser les travailleurs-ses par un droit à l’indemnisation de tous ceux et celles qui en sont privé-es. Dans cet objectif, les réformes de l’Assurance chômage et des retraites doivent donc être définitivement abandonnées.
Des droits nouveaux doivent être créés : il est d’ores et déjà urgent de prolonger d’au moins un an les droits en cours et d’ouvrir des droits à toutes et tous ceux qui cherchent du travail.
Pour que les jours d’après deviennent les Jours heureux, l’heure est plus que jamais à conquérir un « plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens les moyens d’existence » et non à les priver d’un revenu de remplacement décent.
Signataires :
Catherine Perret, Secrétaire Confédérale CGT
Jean-Baptiste Eyraud, Porte-parole du Droit Au Logement
Eric Beynel, Co délégué général, porte parole Union syndicale Solidaires
Patrice Bossart, Collectif Confédéral Saisonier CGT
Samuel Churin, Comédien
Hélène Crouzillat, Réalisatrice
Sylvie Espagnolle, Déléguée syndicale centrale CGT Pole Emploi
Antoine Fatiga, Responsable remontées mécaniques CGT
Pascal Franchet, Groupe audit citoyen dette assurance-chômage
Stéphane Fustec, Services à la personne CGT
Pierre Garnodier, Secrétaire général du Comité National CGT des Travailleurs Privés d’Emploi et Précaires
Laetitia Gomez, Secrétaire générale de la CGT Interim
Cécile Gondard Lalanne, Co déléguée générale, porte-parole Union syndicale Solidaires
Denis Gravouil, Secrétaire général de la Fédération CGT du spectacle
Mathieu Grégoire, Sociologue
Florent Hennequin, Avocat
Denis Lalys, Secrétaire général de la Fédération CGT des organismes sociaux
Elie Lambert, Secrétaire national Union syndicale Solidaires
Pascal Lelong, Porte-parole d’Agir ensemble contre le Chômage !
Pierre-Edouard Magnan, Porte-Parole du Mouvement National des Chômeurs et Précaires
Boris Mellow, Secrétaire national SUD Culture et Médias Solidaires
Odile Merckling, Femmes contres les précarités, le chômage et les discriminations
Rose-Marie Pechallat, Alerte radiation
Évelyne Perrin, Stop précarité
Nathalie Potavin, Déléguée syndicale centrale CGT Pole Emploi
Hervé Tourniquet, Avocat
Cécile Veslasquez, Administratrice CGT à Pole Emploi
Emilie Videcoq, Avocate
Philippe Villechalanne, Porte-parole de l’Association Pour l’Emploi, l’Information et la Solidarité des chômeurs et précaires
Claire Vives, Sociologue
Muriel Wolfers, Négociatrice CGT UNEDIC
Pour le Groupe parlementaire « Gauche Démocrate et Républicaine »
Huguette Bello, Députée de La Réunion
Alain Bruneel, Député du Nord
Marie-George Buffet, Députée de Seine-Saint-Denis
André Chassaigne, Député du Puy-de-Dôme
Pierre Dharreville, Député des Bouches-du-Rhône
Jean-Paul Dufregne, Député de l’Allier
Elsa Faucillon, Députée des Hauts-de-Seine
Sébastien Jumel, Député de Seine-Maritime
Manuèla Keclard-mondesir, Députée de la Martinique
Jean-Paul Lecoq, Député de la Seine-Maritime
Jean-Philippe Nilor, Député de la Martinique
Stéphane Peu, Député de Seine-Maritime
Fabien Roussel, Député du Nord
Hubert Wulfranc, Député de Seine-Maritime
Pour les Groupes parlementaires « France Insoumise » :
Jean-Luc Mélenchon, Député des Bouches-du-Rhône
Manon Aubry, Eurodéputée
Clémentine Autain, Députée de Seine-Saint-Denis
Ugo Bernalicis, Député du Nord
Manuel Bompard, Eurodéputé
Leila Chaibi, Eurodéputée
Éric Coquerel, Député de Seine-Saint-Denis
Alexis Corbière, Député de Seine-Saint-Denis
Caroline Fiat, Députée de Meurthe-et-Moselle
Bastien Lachaud, Député de Seine-Saint-Denis
Michel Larive, Député de l’Ariège
Emmanuel Maurel, Eurodéputé
Danièle Obono, Députée de Paris
Younous Omarjee, Eurodéputé
Mathilde Panot, Députée du Val-de-Marne
Anne-Sophie Pelletier, Eurodéputée
Loïc Prud’homme, Député de la Gironde
Adrien Quatennens, Député du Nord
Jean-Hugues Ratenon, Député de La Réunion
Muriel Ressiguier, Députée de l’Hérault
Sabine Rubin, Députée de Seine-Saint-Denis
François Ruffin, Député de la Somme
Bénédicte Taurine, Députée de l’Ariège
2 Responses
Le gouvernement ne peut pas diviser ainsi la condition des chômeurs : les mesures exceptionnelles prises pour tenir compte de la situation des chômeurs indemnisés au titre des annexes 8 et 10 de l’intermittence doivent être impérativement élargies à l’ensemble des demandeurs d’emploi. Tenir compte des Demandeurs d’emplois qui travaillent en CDDU courts au RG vivent une situation similaire aux intermittents.
La réforme de l’assurance chômage dont le premier volet est déjà en application depuis le 1er novembre ainsi que le second volet prévu initialement au printemps 2020 doit être purement et simplement supprimée.
Il y a urgence à abandonner cette réforme dans un contexte difficile.