Article issu du site du Syndicat de la Magistrature
A la suite de la publication ce 8 juin par le journal « Le Monde » d’un document, émanant du ministère de l’Intérieur, intitulé « Projet de loi renforçant la lutte contre le terrorisme et la sécurité intérieure », il nous a paru indispensable d’opérer sans attendre un premier décryptage des mesures qui y sont contenues. En effet, en inscrivant dans le droit commun de nombreuses mesures de l’état d’urgence, en accroissant les pouvoirs de police et les mesures privatives et restrictives de libertés sur la base des éléments de surveillance des services de renseignement, en excluant le juge judiciaire, statutairement indépendant et garant des libertés individuelles aux termes de la Constitution, du contrôle de ces mesures, ce texte fait peser sur nos équilibres démocratiques un danger majeur.
Ce projet produit un effet cliquet par le basculement qu’il induit, après l’érosion continue des droits et libertés que l’actuel Président de la République avait – un temps – lui-même dénoncé, en appelant à ne pas « céder à quelque surenchère pour répondre à l’événement tragique qui endeuille notre pays » et en prononçant ces mots « remettre en cause la légitimité de l’autorité judiciaire, c’est affaiblir l’autorité de l’Etat et l’autorité dans l’Etat, et ça n’est pas compatible avec une vraie politique de sécurité dont notre pays a aujourd’hui besoin ». La modernité que le chef de l’Exécutif prétend incarner se résume donc aux vieilles recettes, à ceci près que notre Etat de droit en porterait les stigmates bien après les échéances électorales immédiates.
Le présent document, non exhaustif, a principalement vocation à identifier les menaces contenues dans ce texte, afin que chacun puisse percevoir les enjeux des débats à venir. La logique générale, consistant à accorder à l’Exécutif des pouvoirs exorbitants de contrôle, surveillance, intrusion et privation de liberté, en tenant à distance l’autorité judiciaire et sur des bases floues, appelle une condamnation très forte. Dès le mois de novembre 2015, le Syndicat de la magistrature s’était élevé contre les atteintes majeures à l’Etat de droit que produisait – et produit encore – l’état d’urgence. En 2016, il a dénoncé les premières mesures de contamination de cette logique dans le droit commun (assignations à résidence au retour d’un théâtre d’opération terroriste, retenue administrative pour procéder à des contrôles) ainsi que les aggravations introduites dans l’état d’urgence par chacune des lois de prorogation successives.
Cette critique implique d’identifier, dans les détails du texte, les éléments saillants propres à mobiliser contre le risque d’arbitraire tiré de l’application de ce texte, par le gouvernement actuel comme par les gouvernements à venir.
Ci-joint le décryptage article par article.