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Luxleaks et le procès d’Antoine Deltour: quand le vice se plaint de la vertu!

Le mardi 26 avril débute à Luxembourg le procès d’Antoine Deltour, lanceur d’alerte à l’origine des révélations Luxleaks. Il risque jusqu’à 10 ans de prison et 1 297 500 € d’amende. Comment en est-on arrivé là ? Une tribune du comité de soutien de ce lanceur d’alerte emblématique.

Les révélations Luxleaks publiées en 2014 documentent pour la première fois un système, celui de l’évitement fiscal des multinationales en Europe. Ou comment ces multinationales organisent, en toute discrétion, leur insolvabilité fiscale dans une apparente légalité. Ces grandes entreprises s’offrent les services de cabinets comptables spécialisés pour mettre sur pied des montages complexes, à la frontière de la légalité, mais validés par des administrations fiscales complaisantes. Cette optimisation fiscale profite donc à la fois à ces entreprises, aux cabinets comptables et aux États associés à ces montages. La principale conséquence, ce sont des dizaines de milliards d’euros envolés chaque année qui manquent dans les caisses des pays où ces entreprises exercent leur activité. Ces multinationales se soustraient ainsi au financement des services publics et des structures d’intérêt collectif dont elles bénéficient pourtant chaque jour : les écoles qui éduquent, les hôpitaux qui soignent, la justice qui garantit le respect du droit, les infrastructures qui permettent le transport des personnes et des marchandises…

Antoine Deltour, alors jeune auditeur financier dans un cabinet comptable luxembourgeois, a eu accès aux documents détaillant les montages qui permettent ce système d’optimisation fiscale agressive. Découvrant l’ampleur de ces pratiques et conscient de leurs conséquences, il a copié 28 000 pages de documents. Cet acte a été guidé par son éthique, au mépris de ses intérêts personnels. Etait-ce un acte de délinquance vis-à-vis de son employeur qu’il s’apprêtait à quitter après deux ans d’un travail consciencieux et reconnu de tous ? Évidemment non. C’était l’acte d’un citoyen qui n’accepte pas qu’un tel système, sous un vernis de légalité, attente insolemment au bien commun et se joue de toute forme de justice. L’acte d’un lanceur d’alerte.

Aujourd’hui, Antoine est sur le banc des accusés. Son employeur a porté plainte et Antoine est poursuivi pour vol et violation du secret des affaires. Un comble ! Le délinquant ce serait lui, alors que de tous côtés on le félicite de son acte et on salue son courage, récompensé notamment en 2015 par un Prix du citoyen européen remis par le Parlement européen ?

Quelle que soit l’issue du procès, la situation vécue par Antoine pose la question du sort des lanceurs d’alerte. Leurs actions permettent de faire avancer des dossiers occultés ou restés en déshérence trop longtemps. Mais la législation les protège mal. Pire, dans la directive sur le secret des affaires, votée au Parlement européen le 14 avril dernier, l’exemption concernant les lanceurs d’alerte est suffisamment ambigüe pour qu’ils encourent malgré tout des poursuites judiciaires.

Depuis le début de l’affaire LuxLeaks, des milliers de personnes ont dit « Heureusement qu’il existe des Antoine Deltour » et ne doutent pas que la noblesse de son acte et son courage serviront à alerter d’autres consciences qui dévoileront d’autres avenirs. A ce jour, plus de 120 000 personnes ont signé la pétition appelant au soutien à Antoine (https://support-antoine.org/).

Le procès qui s’ouvre à Luxembourg le 26 avril est donc d’une grande portée. Il dépasse un banal conflit du travail entre un employeur et son salarié. Il pose doublement une question de justice : justice pour la contribution au bien commun et justice pour les défenseurs de ce bien commun.

Merci aux plus de 50 organisations de la société civile internationale qui ont apporté leur soutien à Antoine et aux plus de 300 personnalités de tous horizons qui ont accepté de figurer sur la liste publique de soutien en affirmant que les poursuites dont fait l’objet Antoine Deltour sontpolitiquement injustes et éthiquement inacceptables : il a agi en citoyen responsable, il a grandement rendu service aux peuples européens et n’a pensé qu’à servir l’intérêt général.

Parmi les personnalités qui soutiennent Antoine Deltour, lanceur d’alerte Luxleaks :

Éric Alt (magistrat, Anticor), Julian Assange (WikiLeaks), Jacqueline Balsan (Mouvement National des Chômeurs et Précaires), Sophie Binet (CGT Ingés cadres techs), Molly Scott Cato (députée européenne), Jean-Claude Carrière (écrivain), John Christensen (Tax Justice Network), Daniel Cohn-Bendit (ex député européen), Benjamin Coriat (économiste), Harold Crooks (documentariste), Erri  De Luca (écrivain), Olivier de Schutter (professeur de droit international), Didier Eribon (sociologue et philosophe), Irène Frachon (pneumologue, lanceuse d’alerte Médiator), Susan George (présidente d’honneur d’Attac), Christiane Hessel, Eva Joly (députée européenne), Naomi Klein (essayiste), Korben (blogueur), Lefred Thouron (dessinateur de presse), Benoît Majerus (université de Luxembourg), Dominique Méda (philosophe), Edgard Morin (philosophe), Thomas Piketty (économiste), Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot (sociologues), Didier Porte (humoriste), Olivier Py (directeur festival d’Avignon), Pierre Rabhi (paysan agroécologiste, philosophe), Denis Robert (journaliste, écrivain), Shlomo Sand (historien), Edward Snowden (lanceur d’alerte), Bruno Solo (acteur), Jacques Testart (biologiste), Justin Turpel (ancien député Luxembourg), Cédric Villani (mathématicien), Jean Ziegler (politologue), Gabriel Zucman (Université Berkeley).

Liste complète des soutiens sur https://support-antoine.org/supporters/

Le Comité de soutien à Antoine Deltour, lanceur d’alerte LuxLeaks

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