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Entretien avec Marc Desplats (Colmar)

Mardi soir [05/02], le Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP) centre Alsace tient son assemblée générale à Colmar. Marc Desplats, ancien président du MNCP et actuel coordinateur du mouvement en Alsace, nous fait part de ses préoccupations à l’heure où le président de la République Emmanuel Macron a dit son souhait de «  changer en profondeur les règles de l’indemnisation du chômage afin d’inciter davantage à reprendre le travail.  »

[ Article publié le 05/02/19 dans L’Alsace ]

Marc Desplats du MNCP (au centre) : « Le nouveau décret du gouvernement ne fait que stigmatiser davantage les chômeurs. » Photo L’Alsace

Quelle est votre principale préoccupation en ce début d’année 2019 ?

Marc Desplats : Le décret publié le 30 décembre. Ce texte durcit les sanctions encourues par les chômeurs qui manqueraient à leurs obligations. En cas de non-respect d’un rendez-vous avec son conseiller Pôle emploi, un demandeur d’emploi est désormais radié pendant un mois. Un chômeur ne peut plus rejeter une offre au motif que le salaire est bien inférieur à ce qu’il touchait lors de son dernier travail. L’allocation est également supprimée dès le premier manquement à la recherche d’emploi, ce qui se produit lorsqu’on refuse à deux reprises une offre raisonnable. Il y a une espèce de volonté de radier absolument les chômeurs des listes.

Jusqu’alors, Pôle emploi avait uniquement le pouvoir de suspendre l’indemnisation. Avec ce nouveau texte, Pôle emploi décide désormais seul du contrôle et des sanctions des chômeurs. À l’heure où il y a un manque de moyens humains et financiers, c’est totalement inefficace et anormal que le même organisme conseille et contrôle. Les demandeurs d’emploi finissent par avoir peur de leur conseiller alors que dans une démarche d’insertion professionnelle, la confiance est primordiale. Le contrôle aurait dû rester du ressort de la direction régionale du ministère du Travail.

Pour résumer, le gouvernement ne s’attaque pas au vrai problème, il ne fait que stigmatiser davantage les chômeurs. Avant d’obliger les gens à travailler, il faudrait déjà qu’il y ait du boulot pour tout le monde. En France, il y avait plus de 5 millions de chômeurs au quatrième trimestre 2018 et seulement 200 000 offres d’emploi collectées par Pôle emploi en décembre.

Hormis ce décret, avez-vous d’autres sources d’inquiétude ?

Les négociations sur l’assurance-chômage qui se terminent ce mois-ci. Nous craignons une nouvelle diminution des indemnisations. De toute façon, ces négociations devraient être suspendues le temps du grand débat national. Chaque citoyen a le droit de donner son avis sur le sujet. Pour l’instant, les problèmes sociaux sont malheureusement mis de côté et ne figurent même pas parmi les quatre grands thèmes décidés par le gouvernement.

Au niveau du département, le problème majeur, ce sont les sept heures de bénévolat par semaine au risque de se voir priver du RSA. Les contrats conclus entre le conseil départemental haut-rhinois et les allocataires doivent être reformulés. Il faut qu’il soit écrit clairement que le bénévolat se fait sur la base du volontariat.

Est-ce difficile de mobiliser les chômeurs sur ces différentes problématiques ?

Effectivement, c’est dur. Les demandeurs d’emploi sont souvent isolés. Ils se sentent rejetés par la société, ont tendance à se replier sur eux-mêmes et n’osent plus sortir. Notre priorité, au sein du mouvement, c’est qu’ils reprennent confiance en eux pour mieux revendiquer leurs droits. Pour ça, nous les aidons dans leurs démarches auprès de Pôle emploi. S’ils en font la demande, nous pouvons même les accompagner à leurs rendez-vous.

Alors que la crise des gilets jaunes dure depuis plus de trois mois, comment vous positionnez-vous par rapport à ce mouvement ?

Tout d’abord, je tiens à préciser que chaque membre du MNCP se positionne comme il l’entend. Pour moi, la colère des gilets jaunes est justifiée et nous avons des revendications communes.

Mais je préfère rester prudent vis-à-vis de l’accumulation de toutes ces revendications individuelles. Je trouve que le mouvement manque parfois de réflexion collective. Et il ne faut pas oublier que la crise sociale que nous vivons aujourd’hui trouve en partie son origine dans le manque de reconnaissance des corps intermédiaires, dont le MNCP fait partie.

 

https://www.lalsace.fr/haut-rhin/2019/02/05/il-y-a-une-volonte-de-radier-absolument-les-chomeurs

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