Marc Desplat, président de l’association ABCDE à Strasbourg, a répondu aux questions du média DNA sur la réforme de l’assurance chômage et les contrôles renforcés.
[ Article publié le 14/04/21 par DNA ]
Fragilisés, les plus précaires n’échapperont pas à la réforme de l’Assurance chômage
Pour l’association bas-rhinoise de chômeurs et demandeurs d’emploi ABCDE, maintenir le lien avec ses membres tient depuis un an du défi. Dans le même temps, les contrôles sont renforcés et la réforme de l’Assurance chômage aura bien lieu, regrette son président Marc Desplats.
Pour ABCDE, affiliée au Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP), « la situation était déjà dramatique avant l’arrivée du coronavirus avec la réforme de l’Assurance chômage », retrace son président, Marc Desplats. Si la crise a conduit le gouvernement à temporiser la mise en application de ses différents volets, la modification du calcul du salaire journalier de référence entrera bien en vigueur le 1er juillet prochain. La mesure initiale prévoyait de diviser les salaires perçus par le nombre total de jours de la période, et non plus le nombre de jours travaillés, conduisant mécaniquement à une chute des indemnités pour les personnes employées sur de courtes durées. Annulée par le conseil d’État en novembre dernier, elle a été corrigée par un plancher garantissant une allocation minimale. Reste, estime ABCDE, que cette réforme conduira pour quelque 830 000 personnes à une baisse moyenne de 20 % des allocations perçues.
L’abaissement du seuil permettant d’ouvrir ou recharger les droits, autre volet de la réforme, est quant à lui reporté à des « jours meilleurs », à définir selon l’évolution de la conjoncture. Reste que l’« on finit toujours pas faire payer les plus précaires », dénonce Marc Desplats. Et le président de l’association de s’étonner : « On tolère du déficit partout ailleurs, mais il faut faire des économies sur l’Unedic ! Alors même que l’association finance en partie le chômage partiel auquel on a tellement recours. »
Dans le même temps, alors que la période est particulièrement difficile, « on a constaté avec effarement le renforcement des contrôles sur la recherche d’emploi par Pôle emploi, le Département et la Caisse d’allocations familiales », indique Marc Desplats, qui parle de « contrôles abusifs ». Différentes mesures temporaires ont bien été prises pour répondre aux conséquences de l’épidémie sur la situation des chômeurs. Non sans « couacs », souligne l’association qui cite notamment la prime exceptionnelle de 900 euros dédiée aux travailleurs précaires, dont le versement a été accompagné de « bugs ». « On demande à des personnes qui l’ont touchée de la rembourser », a contrario des demandeurs d’emploi éligibles pourraient bien ne pas l’avoir perçue. Et les souplesses annoncées ne s’accompagnent pas selon ABCDE d’une information intelligible aux principaux intéressés.
Le collectif mis à mal
Plus que jamais s’impose l’intérêt de l’association créée en 1998, qui entend « permettre aux chômeurs de s’organiser collectivement pour améliorer leurs droits et conditions de vie ». Mais alors que « le Covid ne fait qu’aggraver la situation des précaires », selon l’analyse du vice-président Jeannot Laas, maintenir la puissance du « collectif » et lutter contre l’isolement n’est pas chose aisée. Plusieurs réunions, stammtisch ou ateliers thématiques ont dû être annulés. « Les gens sont de plus en plus précaires mais on les voit de moins en moins », résume Marc Deplats.
Pour continuer à œuvrer à la défense des droits de ses membres, l’association a veillé depuis le début de la crise à ce que son local de Neudorf reste ouvert. Son espace numérique, disponible depuis fin 2019, n’a pas manqué d’être utilisé, alors que les médiathèques fermaient leurs portes. Et afin de maintenir le lien avec des personnes isolées, l’association en a directement contacté plus d’une centaine pendant le premier confinement. Une première.