Monsieur le Premier ministre,
7,5% des travailleurs en France sont pauvres. Ils font partie des 8,5 millions de personnes qui vivent dans notre pays avec moins de 987€ par mois. Bien qu’ils travaillent, ils sont donc confrontés à des problèmes sérieux pour se loger, s’alimenter, se soigner, se déplacer ou accéder aux loisirs. Accepter que des personnes restent pauvres malgré un emploi, c’est accepter qu’une partie de la population perde l’espoir d’une promotion sociale ; c’est nourrir le creusement des inégalités sociales. C’est affaiblir considérablement l’objectif de retour de la croissance et de l’emploi porté par le gouvernement.
Pour ces raisons, nous pensons qu’une politique ambitieuse doit être développée pour lutter contre la pauvreté et la précarité en emploi. Elle doit compléter le Plan de lutte contre la pauvreté et prolonger le Plan de lutte contre le chômage de longue durée. Cette politique doit s’incarner autour de 3 axes : la simplification de l’aide pour réduire le non recours, le soutien au pouvoir d’achat des salariés modestes et leur accès à un accompagnement.
Les travailleurs pauvres ont besoin d’un complément de salaire efficace. Ni le RSA activité ni la Prime pour l’emploi n’ont été capables de le leur apporter. Vous avez pris la décision de les fusionner en une nouvelle prestation : la prime d’activité. Cette réforme représentera une vraie plus-value pour les travailleurs pauvres si la prestation est connue, extrêmement simple à demander, à comprendre également et ouverte à tous les travailleurs pauvres, y compris les 18-25 ans et même s’ils sont étudiants ou apprentis. A défaut, des personnes en grand besoin seraient écartées de cette prestation. Il conviendra que cette réforme réduise drastiquement le non recours et s’appuie donc plutôt sur la PPE dont le caractère quasiment automatique est un atout. Enfin, la généralisation du caractère familial de la prime d’activité, si elle était retenue, se traduirait par une perte de pouvoir d’achat brutale et incompréhensible pour un nombre significatif de bénéficiaires.
Nous regrettons vivement que les associations d’insertion et les personnes accompagnées n’aient pas été consultées sur les différents scénarios de réforme, conformément à la dynamique participative engagée fin 2012 lors de la Conférence de lutte contre la pauvreté. Cela aurait sensiblement réduit le risque que cette nouvelle prime d’activité ne rate à nouveau sa cible.
Face aux difficultés de la vie, les ressources monétaires sont nécessaires mais pas toujours suffisantes. Il est donc essentiel que des travailleurs connaissant des difficultés puissent obtenir un conseil et un accompagnement dès que la difficulté apparaît. Des solutions existent déjà, autour de fonds d’action dans certaines branches professionnelles, de partenariats entreprises/associations, d’information par les syndicats de salariés. Il faut les développer, pour que chacun soit à l’abri de ce risque de rupture, de déclassement.
Acteurs de l’insertion et de l’emploi, nous en appelons donc à la mobilisation de tous pour apporter aux millions de travailleurs pauvres des solutions, monétaires et sociales. Cela passe à court terme par une réforme de l’aide aux travailleurs pauvres ambitieuse, simple et individualisée, ouverte aux jeunes sans discrimination, avec des mesures de compensation pour les familles qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. Cela passe donc par un engagement budgétaire ferme de l’Etat, allant au-delà du budget actuellement consacré aux travailleurs pauvres, dont nous savons qu’il est bien insuffisant pour réunir ces conditions de réussite de la réforme. A plus long terme, le gouvernement pourrait organiser avec les partenaires sociaux et les associations une concertation sociale sur la lutte contre la pauvreté en emploi traitant l’ensemble des problématiques des travailleurs précaires.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Premier ministre, en l’expression de nos sentiments distingués.
Louis Gallois
Pierre Langlade
Thierry Khun
François Soulage
Jacques-Henri Vandaele