Combien de temps le gouvernement persistera-t-il dans une politique qui semble le condamner à l’échec ? La question mérite d’être posée quand les ministres eux-mêmes semblent ne plus y croire. Interrogé ce lundi sur l’antenne d’Europe 1, le ministre du Travail du gouvernement Valls 1, François Rebsamen, a encore déploré l’existence en France d’« un chômage de masse insupportable ». Concernant les chiffres de l’emploi que doit dévoiler l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), il a affirmé : « Avec 0 % de croissance (…), il ne faut pas s’attendre à ce que – malgré les politiques de l’emploi – le chômage diminue. » Des propos qui rappellent ceux du ministre des Finances, Michel Sapin, qui, fin juin, évoquait une croissance trop « plate » pour faire « évoluer le chômage dans le bon sens ». Pourtant, ni l’un ni l’autre ne remettent en question la politique de l’offre menée par le gouvernement. Une confiance dans l’orthodoxie économique surprenante, quand même le FMI et la BCE – institutions peu suspectes develléités révolutionnaires – s’interrogent.
La BCE « paralysée » par la situation économique
Présent à Jackson Hole, aux États-Unis, pour le grand rendez-vous de rentrée des banquiers centraux, Mario Draghi a suggéré qu’il pourrait être « bénéfique » pour l’Europe que la politique budgétaire joue un plus grand rôle aux côtés de la politique monétaire de la BCE. Selon lui, « une stratégie pour réduire le sous-emploi doit impliquer à la fois des politiques de la demande et de l’offre, tant pour la zone euro qu’au niveau national ». Le président de l’institution francfortoise a enfoncé le clou en déclarant « qu’il y a des marges de manœuvre pour cela ». Un discours qui va à rebours de celui du président de la République François Hollande, pour qui « l’offre crée la demande », comme il l’a expliqué en janvier dernier. Ces propos peuvent surprendre venant d’une institution réputée pour son conservatisme économique. Mais pour Henri Sterdyniak, directeur du département économie de la mondialisation de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), la BCE est « paralysée » par la situation économique de la zone. L’économiste explique que « la réduction des budgets des États et le gel des salaires créent un risque déflationniste qui complique son objectif d’une inflation proche de 2 % l’an ». Mais, la BCE n’est pas la seule à se montrer réticente vis-à-vis de la politique austéritaire de l’offre proposée un peu partout en Europe. Henri Sterdyniak estime que « la plupart des institutions internationales trouvent la zone euro aberrante ». « Il paraît logique que les pays du Nord devraient faire un effort en augmentant les salaires afin de permettre aux pays du Sud de rétablir leur compétitivité », poursuit-il. C’est d’ailleurs la critique que le Fonds monétaire international (FMI) adresse à la zone euro. Dans un entretien diffusé lundi par la Radio Télévision suisse (RTS), la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, a affirmé qu’« il est très important pour l’Allemagne de participer au mouvement de reprise (en Europe) de manière intense. Elle a les moyens de le faire ». « On s’aperçoit que, dans les négociations salariales entre les organisations syndicales et les organisations patronales, des marges de manœuvre sont dégagées », a-t-elle analysé. Selon Henri Sterdyniak, le problème provient de « la construction européenne, qui dans son état actuel ne permet pas aux gouvernements de mener des politiques satisfaisantes ». François Hollande « est coincé parce qu’il n’a pas renégocié le pacte budgétaire européen de 2012, comme il l’avait promis durant sa campagne », rappelle l’économiste.