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Manifeste pour la santé et le bien-être des chômeurs

Le_traumatisme_du_chomageQuand on évoque un traumatisme, viennent immédiatement en tête les notions d’accidents, d’agressions, de catastrophes… jamais celles de licenciement et de chômage. Pourtant, le 6 janvier 2015, dans une étude intitulée Chômage et suicide, l’Inserm établit que lorsque le taux de chômage progresse de 10 % sur un temps donné, le taux de suicide augmente en moyenne de 1,5 % pour l’ensemble de la population française âgée de 15 ans et plus. Ainsi, selon les calculs de ses chercheurs, l’Inserm a évalué, sur la période 2008­-2010, à 584 le nombre de morts par suicide liés directement à des situations de licenciements et/ou de chômage. Ce « traumatisme du chômage », titre du livre du médecin Michel Debout publié ces jours-ci aux Éditions de l’Atelier, avec le soutien de la Fondation Jean Jaurès, touche indistinctement les salariés victimes d’un plan social mis en place par de grands groupes que les employés de TPE, les artisans, les commerçants ou les agriculteurs.

Comme l’ont raconté les « Conti » ­ ouvriers de l’usine Continental à Clairoix (Picardie), tout au long de leurs cinq années de lutte ­ avant de poser de sérieux problèmes financiers – un temps « équilibrés » par le versement d’une prime – la perte d’emploi touche au cœur ceux qui en sont privés et, par ricochet, leurs proches et leurs familles. Provoquant séparations et suicides.

Psychologiquement, l’ancien salarié, devenu nouveau chômeur, se voit envahi par différents sentiments, dont la culpabilité et la colère. Des sentiments qui finissent par l’installer à plus ou moins long terme dans des comportements dépressifs et/ou d’addiction. « Un toujours plus qui est censé combler cet énorme sentiment de vide provoqué par la perte de son travail », souligne Michel Debout, psychiatre et fondateur de l’Observatoire national du suicide auteur du livre.

Une installation dans des états de destruction qui tue des personnes et qui coûte chaque année toujours plus cher au système de santé français. Or, si la médecine du travail peut servir de révélateur ou de régulateur tout au long d’une carrière pour les salariés, une fois ceux­-ci licenciés, la plupart d’entre eux se voit couper d’une médecine de soins qu’ils ne fréquentent que trop rarement ­ alors que les risques psycho­sociaux et traumatiques augmentent ­, soit par négligence, soit par manque d’argent, soit par sentiment de honte.

Confronté, au sein de son service du CHU de Saint-­Étienne, à des cas devenus désespérés alors qu’ils auraient pu être anticipés, Michel Debout et d’autres militent pour la mise en place d’une médecine préventive à destination des nouveaux chômeurs comme il existe une médecine du travail à destination des salariés. C’est le sens de cet Appel, lancé ce 5 février, journée nationale de prévention du suicide et du livre­-manifeste « Le traumatisme du chômage » qui interroge les pouvoirs publics en leur demandant : « Pourquoi ne pas faire avec 5 millions de chômeurs, ce que la Pénitentiaire a fini par faire au bout de 25 ans avec la création de la médecine dite des centrales, fortement appuyé par le coup de gueule de Véronique Vasseur, alors médecin­-chef de la Santé. »

 

Nous souhaitons destiner cet appel ensuite à Madame le ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, Marisol Touraine, et au Ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, Monsieur François Rebsamen.

Pierre ­Yves Bulteau, journaliste, Rédacteur en chef de Partage http://revue-partage.fr/, revue éditée par les Amis du MNCP*-Partage

*Mouvement national des chômeurs et précaires

                                              

Manifeste pour la santé et le bien-être des chômeurs

Dans le cadre des Journées Nationales de la Prévention du Suicide, nous vous appelons à signer et faire signer ce « Manifeste pour la santé et le bien-être des chômeurs. »

Parce que la perte de l’emploi par licenciement individuel, plan social, dépôt de bilan, fermeture d’exploitation agricole, constitue un traumatisme psychologique entraînant un état de stress qui peut se compliquer par des réactions dépressives, et une fragilisation globale de la santé,

Parce qu’en France la hausse du chômage entre 2008 et 2010 a provoqué directement 584 morts par suicide de plus,

Parce que l’augmentation de 10 % du nombre de chômeurs entraîne une aggravation de 1,5 % du taux de mort par suicide dans la population,

Parce que l’espérance de vie des chômeurs est réduite d’un an par rapport à celle des travailleurs qui n’ont pas connu des périodes sans emploi.

Le chômage constitue non seulement un grave problème économique et social, mais aussi un risque pour la santé des chômeurs, c’est-à-dire un véritable problème de santé publique.

C’est pourquoi nous appelons les pouvoirs publics et l’ensemble des acteurs du champ sanitaire et social, les élus du territoire, les syndicats et les associations à :

–        constituer une médecine préventive pour les chômeurs, comme il en existe une pour l’ensemble des salariés au travail ; celle-ci constituera à terme l’une des instances de la prévention pour tous, à tous les âges de la vie.

–        promouvoir par un accompagnement global adéquat et personnalisé la santé et le bien-être des chômeurs.

–        proposer une nouvelle réponse aux situations de surendettement permettant aux ménages concernés de faire face à leurs obligations sans entrer dans une spirale discriminante et culpabilisante.

–        changer radicalement l’approche du travail et de l’emploi afin de permettre à chaque citoyen de construire son avenir en apportant sa contribution utile aux besoins de la société et en bénéficiant d’une sécurité sociale professionnelle.

Chaque chômeur a besoin de maintenir la qualité de ses liens familiaux et sociaux, et de conserver sa dignité de citoyen.

 

                                                                                  Professeur Michel DEBOUT

Le 4 février 2015

 

 

Michel Debout, psychiatre et professeur de médecine légale au CHU de Saint-Etienne, auteur du livre « Le traumatisme du chômage », publié en janvier aux Editions de l’Atelier, avec le soutien de la Fondation Jean Jaurès.

2 réponses

  1. bonjour,
    je me permets de vous contacter car le 11 février dernier, j’avais rempli un formulaire de témoignage (demandant à rester anonyme comme il était précisé qu’on pouvait le faire) m’exprimant sur le chômage, associé aux arnaques à l’embauche et aux contrats bidons qui s’en suivent et pour lesquels aucun contrôle n’est fait ni par la Direction de Pôle emploi ni par la Direction du Travail. Je relatais aussi l’envoi de courriers à répétitions adressés à nos Dirigeants qui n’en n’ont vraiment rien à faire, qui n’ont aucune solution et qui vous donnent pour seule réponse au bout de huit mois : « Allez voir Pôle Emploi » – « Allez voir l’APEC » – situations vécues je le précise -ce qui signifie pour un demandeur se retrouver à la case départ. Croyez-vous que pour un demandeur d’emploi ce ne soit pas se moquer de lui ? Quelle indécence !
    Vous vous prétendez être défenseur des droits des demandeurs d’emploi, l’êtes-vous vraiment en fait car j’ai remarqué que mon témoignage n’est apparu nulle part sur votre site, peut être ne l’avez-vous pas trouvé suffisamment pertinent. Je pense pourtant que de nombreux demandeurs d’emploi se seraient reconnus au fil de mon témoignage du fait de ce qui s’en suit tant au niveau traumatique, du mal être quotidien ressenti, de la perte de l’estime de soi, de l’isolement dans lequel il finit par se retrancher, voir même plus que cela. Peut-être me répondrez-vous …. (je tiens cependant à rester anonyme)
    Cordialement

    1. Bonjour,
      Malheureusement, la rubrique témoignage de notre site ne fonctionne plus. Nous espérons pouvoir la remettre en place rapidement mais elle a été pour le moment supprimée du site.
      Nous sommes désolés. Pour nous contacter, n’hésitez pas à nous envoyer un mail à fédérationmncp@gmail.com ou à contacter une association près de chez vous (https://www.mncp.fr/site/assos-mncp/carte-des-associations/).
      Bien cordialement.

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