Actualités

Les petits arrangements de Pôle emploi avec ses cadres proches de la retraite

cadres-poleemploiAlors que Pôle emploi est en passe de renforcer le contrôle des chômeurs, une petite catégorie de demandeurs d’emploi semble être totalement exonérée de surveillance. Selon les informations du Monde, une discrète pratique issue de l’Assedic reste en cours au sein de l’organisme : l’existence de préretraites déguisées pour certains de ses agents proches de la retraite.

Licenciés par le biais d’une rupture conventionnelle à 58, 59 ou 60 ans, ces anciens de Pôle emploi bénéficient tous d’un suivi et de contrôles très allégés, ce qui leur permet d’attendre la retraite sans avoir à rechercher d’emploi. Pour eux, les rendez-vous sont souvent réduits au minimum… quand ils ont lieu. Tel ce cadre de Rhône-Alpes, parti début 2013 avec plus de 170 000 euros d’indemnités de rupture conventionnelle et immédiatement inscrit au chômage, avec 5 000 euros d’allocation par mois. Sa retraite est prévue début 2016, pile trois ans après son inscription, le délai maximal pour percevoir les allocations. Un autre, originaire de Haute-Normandie, n’a eu qu’un seul entretien – pour son inscription – en trois ans de chômage.

Lire : Assurance-chômage : ce qui va changer pour les ruptures conventionnelles

Ce système, certes courant dans le privé, peut paraître curieux à l’heure où le ministre du travail François Rebsamen demande à Pôle emploi de « renforcer les contrôles » pour vérifier que les chômeurs « cherchent bien un emploi ». Pourtant, il semble bien rodé. D’autres anciens cadres de l’organisme, également partis avec plusieurs dizaines de milliers d’euros d’indemnités, sont suivis par des directeurs d’agence plutôt que par de simples conseillers comme le sont habituellement les autres chômeurs. D’autres encore n’ont toujours pas de conseiller plus de deux mois après leur inscription. Autre dissimulation : l’inscription de ces chômeurs « maison » dans des plates-formes téléphoniques de Pôle emploi plutôt que dans des agences classiques, comme Le Monde a pu le constater.

« ON N’EST PAS À L’AISE AVEC CE GENRE DE PRATIQUES »

Plusieurs départs intervenus juste avant le 1er juillet posent question. A cette date est en effet entré en vigueur un allongement du délai de carence des salariés quittant leur entreprise avec une indemnité supérieure au minimum légal. Un ancien directeur régional adjoint parti au chômage le 30 juin, veille de la date fatidique, est depuis « suivi » dans une agence qui s’occupe uniquement du contact avec les entreprises, bien loin du chômeur lambda. Son dossier, marqué « sensible », fait état d’une indemnité de rupture supérieure à 130 000 euros. Il pourra bénéficier de plus de 4 000 euros d’indemnités par mois, en attendant sa retraite, prévue dans trois ans.

« Quand il s’agit d’un agent de Pôle emploi, il y a une procédure très précise », confirme Jean-Charles Steyger, du SNU Pôle emploi, seul syndicat qui critique ouvertement ces pratiques. « En inscrivant qu’ils cherchent des postes de directeur d’agence de Pôle emploi, on est sûr qu’ils ne seront pas recrutés, note-t-il ironiquement. Ceux qui sont dans des portefeuilles fictifs ne sont même jamais convoqués. Ils échappent ainsi à tout contrôle. » Un autre syndicaliste, de la CFDT, confie sous couvert d’anonymat : « On n’est pas à l’aise avec ce genre de pratiques. Mais quand certains de nos adhérents nous disent qu’ils n’en peuvent plus, c’est difficile de leur faire la morale. »

Lire aussi : Pôle emploi va généraliser le contrôle des chômeurs

Si les chômeurs seniors pouvaient jusqu’en 2008 être « dispensés de recherche d’emploi », cette possibilité a été officiellement supprimée depuis. Ils ont désormais les mêmes obligations et contrôles que les autres chômeurs. La loi leur impose notamment de faire preuve de « démarches effectives et régulières de recherche d’emploi ». Jean-Yves Cribier, le directeur des ressources humaines de Pôle emploi conteste l’existence d’une pratique spécifique. « Les anciens salariés de Pôle emploi sont suivis comme les autres chômeurs », assure-t-il.

« SI CES CAS SONT AVÉRÉS, JE SUIS PRÊT À LES CORRIGER »

La dizaine de dossiers auxquels Le Monde a eu accès seraient, selon lui, des exceptions. « Si ces cas sont avérés, je suis prêt à les corriger », promet-il. Il concède toutefois que « hormis dans des cabinets privés spécialisés », il y a peu de chances qu’un ex-cadre de Pôle emploi inscrit comme recherchant un poste de directeur d’agence retrouve un travail.

Depuis la fusion de l’ANPE et des Assedic, en 2009, Pôle emploi a négocié 423 ruptures conventionnelles. « Cela fait un peu moins de 5 % de l’ensemble des départs », relativise M. Cribier. Parmi ces ruptures, plus de 80 % concernent des agents de plus de 58 ans, donc proches de la retraite, et 60 % des cadres. « A l’issue de la fusion, on avait un certain nombre de postes de management et de fonctions supports qui pouvaient doublonner. On utilise les ruptures conventionnelles au cas par cas, lorsqu’il y a un souhait partagé de se séparer », assure-t-il, en promettant de « toujours calculer que le coût des indemnités de rupture et des allocations chômage est compensé par le fait qu’on ne verse plus de salaire sur la même période ».

Lire également : Pour l’OCDE, la France doit inciter les seniors à travailler

La pratique est délibérément gardée secrète en interne. Sur l’Intranet de l’organisme que tous les salariés peuvent consulter, le directeur d’une agence du centre de la France parti cet été dans le cadre d’une rupture conventionnelle est indiqué avoir officiellement « pris sa retraite ».

Il a pourtant été immédiatement inscrit au chômage dans une agence de Montpellier, bien loin de son domicile. Sa retraite est prévue au mieux pour début 2016. Une autre cadre partie officiellement « se consacrer pleinement à sa famille » est elle aussi désormais indemnisée par Pôle emploi. « Certains salariés ne veulent parfois pas qu’on mette en évidence leur situation personnelle », justifie M. Cribier.

Article publié sur Le Monde, le 11 Septembre 2014

Une réponse

  1. En Pays de la Loire, c’est encore mieux. Les cadres supérieurs partent en rupture conventionnelle peu avant la retraite : création d’une société fictive sous statut auto-entrepreneur et versement de l’ARCE… En 6 mois, 18 mois d’allocation + les indemnités : super pactole !
    Et personne ne dit rien …

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Plus d'articles

Facebook