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« Il arrive que Pôle Emploi agisse en totale illégalité »

jacqueline-balsanInterview de Jacqueline Balsan pour le numéro 48 de Modes d’Emploi, le Journal du Syndicat National Unitaire de Pôle Emploi FSU.

Jacqueline Balsan est vice-présidente et militante du Mouvement national des chômeurs et précaires. Responsable de la maison des chômeurs CREER, à Montpellier, elle accompagne chaque jour des demandeurs d’emploi dans leur parcours semé d’embûches, face à un Pôle emploi pas toujours droit dans ses bottes.

Modes d’Emplois : Jacqueline Balsan, vous êtes fréquemment contactée par des demandeuses et demandeurs d’emplois qui vous sollicitent pour un accompagnement sur leur dossier à Pôle emploi. Pour quels problèmes en particulier ?

Jacqueline Balsan : Le principal problème est celui de la dématérialisation et de l’information des demandeurs d’emploi. Je vous donne un exemple simple : quand une personne souhaite bénéficier des services de Pôle emploi, elle peut créer son espace personnel sur le site pole-emploi.fr. Mais lorsqu’elle s’inscrit comme demandeur d’emploi à Pôle emploi, un espace personnel de suivi du dossier administratif lui est attribué. La superposition de ces deux espaces induit une confusion possible.  La personne attend légitimement des communications sur son espace personnel. Or, Pôle emploi n’utilise pas cet outil pour envoyer des courriers, et notamment ceux concernant son suivi. Pôle emploi utilise l’espace personnel de suivi administratif. Le demandeur d’emploi, s’il a été mal informé ou mal formé à l’utilisation des deux espaces, ne comprendra pas que les correspondances arrivent sur l’espace personnel Pôle emploi, et non sur son espace personnel à lui. Ainsi, malgré des contacts réguliers avec son conseiller, il peut manquer un rendez-vous dont il n’a jamais reçu la convocation – puisqu’il n’a pas consulté son espace personnel Pôle emploi – puis être menacé de radiation sans le savoir. Et ne plus recevoir de courrier que pour lui annoncer une radiation ferme, sans avoir pu faire valoir ses droits.

Et en quoi consiste votre accompagnement ?

Dans ces cas-là, l’association de chômeurs peut intervenir : courrier, avec en-tête de notre association au directeur d’agence, au directeur territorial et au médiateur directement. Ce n’est pas la procédure interne de recours, mais il s’agit d’aller vite, les radiations touchent directement aux moyens de subsistance des chômeurs. A Montpellier, le médiateur régional est à l’écoute et traite rapidement les recours, ce qui n’est pas le cas partout. Il est regrettable que le sort des chômeurs tienne à la volonté d’une ou deux personnes ! Je reçois environ 80 appels par mois pour des demandes d’information et d’aide, pour des questions simples… ou très complexes, comme des indus. Les chômeurs sont seuls et désarmés à Pôle emploi. Il y a beaucoup de colère, de frustration et de lassitude face à la paperasse, à l’absence de proposition d’offre d’emploi et de véritable accompagnement, au « contrôle permanent ». Notre premier rôle est de rassurer et de traiter avec la personne son dossier, en cherchant des solutions ensemble. Nous relayons tous les dysfonctionnements en Comités départemental de liaison (CDL) ainsi qu’au niveau de notre Fédération, le Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP), présente au Comité national de liaison (CNL).

Les radiations et les indus sont deux problèmes majeurs qui engorgent les agences et rendent sensibles les relations entre conseillers et demandeurs d’emploi. Pour quelles raisons selon vous ?

Les problèmes de radiations et d’indus touchent directement aux conditions de vie des chômeurs. Cela génère beaucoup d’incompréhension, de frustration mais aussi un sentiment de culpabilité et d’injustice par rapport à une faute que les chômeurs ont le sentiment de ne pas avoir commise. On se retrouve perdu face aux informations parfois contradictoires qui nous sont données par la plateforme 3949, ou par tel ou tel conseiller qui n’ont pas toujours tous la même information. Lorsque le demandeur d’emploi arrive en agence pour demander des explications, il arrive qu’il reparte sans avoir pu régler son problème ! La plupart des procédures lancées par Pôle emploi, pour les indus et les radiations, sont expéditives. Il arrive même que Pôle emploi agisse en totale illégalité.

Pouvez-vous expliquer en quoi Pôle emploi ne respecte pas ses obligations et agirait en totale illégalité ?

Je prendrai deux exemples : les radiations pour absence à convocation et les procédures de récupération de sommes indûment perçues, je préfère dire « indûment versées.» Les radiations pour absence à convocation représentent près de 70 % des radiations prononcées. Les demandeurs d’emploi sont soumis à des entretiens obligatoires. Une date tombe et peu importe les disponibilités des chômeurs, ils doivent s’y rendre par tous les moyens, sous peine d’être radiés et de voir leurs revenus suspendus pendant deux mois. En effet, rappelons qu’aux termes de l’article R351-28 du code du travail dans sa rédaction alors en vigueur : « sont […] exclus du bénéfice du revenu de remplacement mentionné par l’article L351-1 […] les travailleurs qui refusent, sans motif légitime, de répondre aux convocations des agents du contrôle […]» ;  On entend bien souvent : « Mais je n’ai pas refusé de me présenter, je n’ai pas pu et j’ai prévenu le 3949 de mon absence ! » ou « Pour me présenter à un entretien, encore faudrait-il que je reçoive ma convocation en temps et en heure ! J’apprends que je suis radié, mais je n’ai jamais été convoqué ! ». L’absence à un rendez-vous de suivi à Pôle emploi ne saurait constituer en aucun cas un acte volontaire de refus de suivi de la part d’un demandeur d’emploi. En effet, nous rejetons la vision qu’elle véhicule du chômeur, supposé heureux de sa situation, cherchant par nature à frauder le système d’indemnisation. Il y a pire encore : les radiations pour absence à un entretien… téléphonique. Elles existent et sont le fait du recours à la dématérialisation forcenée qui permet de désengorger les agences. Souvent, le demandeur d’emploi attend un appel qui ne vient pas, conformément à sa convocation. Il appellera le 3949, ou attendra un rappel ou une autre convocation. Mais c’est une lettre de radiation qui arrive !  Il revient alors au demandeur d’emploi de faire les recours adaptés, dans les 10 jours. Dans la majeure partie des cas, il suffit d’envoyer un courrier au directeur d’agence pour être rétabli dans ses droits. Mais que faire quand on n’a même pas reçu le courrier d’avertissement avant radiation et qu’on retrouve dans sa boîte aux lettres une notification de décision de maintien de radiation qui signe l’interruption de notre indemnité ? Il arrive même que des chômeurs reçoivent leur convocation à entretien… après la date de l’entretien indiquée sur la convocation ! On marche sur la tête ! Au MNCP, nous nous battons depuis longtemps contre ces radiations-sanctions, et nous demandons leur arrêt immédiat. Le risque d’une interruption de 2 mois des indemnités chômage est inacceptable, particulièrement en cette période de crise !

Et concernant le problème des trop-perçus ?

Le trop-perçu est en fait un « trop versé », à cause d’une erreur de calcul ou du fonctionnement du système informatique, car la complexité de la vie des chômeurs ne colle pas toujours avec le simplisme redoutable du système d’indemnisation. Ainsi, en toute bonne foi pour l’essentiel des cas, on perçoit de l’argent sur son compte, on le dépense pour son quotidien, et on se retrouve à devoir de l’argent à Pôle emploi, une somme dont on ne dispose plus sur notre compte ! Et comme la confiance en l’institution reste de mise, on ne se défend pas et on rembourse comme on peut. Je rappelle que la première phase, sur laquelle insiste le médiateur dans son rapport spécifique sur les indus, est une phase à l’amiable. Pôle emploi a pour obligation d’informer le demandeur d’emploi sur la somme indûment versée – type d’allocation, période sur lesquelles porte l’indu, etc. –, lui indiquer les recours possible, et les aménagements (un échelonnement des remboursements). Il faut savoir qu’un rendez-vous en agence avec un conseiller doit être proposé dès 1 500 euros de trop-perçus. Il apparaît que Pôle emploi ne respecte pas cette obligation. Pire encore : les sommes trop perçues sont bien souvent prélevées directement sur les allocations des demandeurs d’emploi, même si celui-ci a entamé des démarches et ne reconnaît pas cette dette. Et ceci, sans respect de la quotité saisissable et d’un délai de prescription de 3 ans (hors cas de fraude). La conséquence pour le demandeur d’emploi est une baisse drastique de ses revenus, alors que les dépenses quotidiennes demeurent.

Comment vous y prenez-vous pour défendre les droits des chômeuses et chômeurs dans ces cas particuliers ?

Si les courriers de recours que nous écrivons avec les chômeurs n’obtiennent pas de réponse, nous nous rendons en agence avec la personne et quelques militants pour demander les informations qui sont dues à l’usager du Service public de l’Emploi. Quelquefois, par manque d’information, ou de compréhension, la personne peut être fautive par rapport aux règles en vigueur, mais reste de bonne foi. Nous continuons de plaider sa cause, et essayons d’aménager les « peines » en faveur du demandeur d’emploi. Si Pôle emploi mettait un point d’honneur à respecter le droit d’information – j’entends par là prendre le temps de faire le lien entre l’information donnée et la compréhension de cette information et de son impact par le demandeur d’emploi – les relations entre le Service public de l’Emploi et tous ceux qui y ont recours seraient plus apaisées et basées sur la confiance. Aujourd’hui, on en est loin, et c’est pourquoi nous menons une lutte commune avec certaines organisations syndicales dont le SNU-Pôle-emploi-FSU pour améliorer les conditions de travail et de vie des conseillers comme des chômeurs.

Propos rapportée par Audrey Torrecilla (MNCP pour Modes d’Emplois)

7 réponses

  1. Que peut-on faire pour ne pas laisser le chômeur dans un état d’abandon ou de désarroi face à des actions qui semblent injustes de la part de pôle emploi?
    Bien sûr il n’y a aucun amateurisme au pôle emploi, les contrôles sont sévères pour les chômeurs délinquants. Et la misère et le malheur sont décidés en haut lieu culpabilité et punition oblige.

  2. bonjour,

    je suis assistante maternelle et je me retrouve avec un indus de 4000e que me réclame pôle emploi ! je ne sais pas comment faire je suis perdue. Avocat ? justice ? je suis sur la région Toulousaine

  3. bonjour

    on m a radie du pole emploi pour motife que je devrai etre en retraite

    j ai 64 ans et de l annees 1955, j ai nombre de trimestre de 164 lorsque il faut cotiser 166 trimestre .j ai justifier d’une duree d ‘affiliation d’au moins 130 jour travailles ou plus de 910 heures de travaillées .je voudrai savoir quel recours j’ai

    cordialement

  4. C’est tout a fait ça malheureusement ils ne sont plus là pour nous aider à trouver du travail mais pour faire baisser les stats du chômage et donner le moins d argent possible,argent que l’on cotise avec nos salaire tout les mois mais le jour où tu est au chômage tes galères commencent déjà les offres ne correspondent jamais pour moi il ne prenne pas le temps de connaître vos besoin…je suis a celle d’andrezieux Bouthéon dans le 42 une horreur..

    1. La vérité c’est que on vit pas dans un état de droit immédiat.
      On ne peut pas refuser de constater que aujourd’hui les droits écrits dans les codes ne sont pas appliqués, ce qui les rend inutiles et rend la vie des gens une galère.
      Les droits d’aujourd’hui sont des droits qu’on peut pas les exercés immédiatement, ils sont bafoués de la loi la plus vielle qui est celle du plus fort, du plus riche, du plus protégé.
      Aujourd’hui pour exercés les droits il faut du temps, de l’argent, du mental, et tout ça viens en contraste avec la notion même de droit.
      Tout le monde a besoin de vivre dans un état de droit immédiat.
      Il faudrait tout récrire, construire un nouveau modèle de droit, car de toute évidence on est resté dans le passé.

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